Le pustaha est l’un des témoignages les plus caractéristiques de la culture batak qui s’est développée sur les rives du lac Toba, au nord de Sumatra.
Il se présente comme une longue bande fabriquée à partir du liber de l’Aquilaria malaccensis ou de l’Aquilaria agallocha traité à l’amidon de riz et martelé jusqu’à former un support adapté à l’écriture. Cette bande, pliée en accordéon, est protégée par des plats de bois souvent sculptés. Si les dimensions des pustaha sont très variables : de 3 ou 4 cm jusqu’à 40 cm pour les plus grands exemplaires, la langue et le contenu sont en revanche bien plus homogènes.
Le texte d’un pustaha est rédigé en une langue archaïque fort éloignée des cinq dialectes batak contemporains, et noté à l’aide de l’écriture ancienne supplantée dans l’usage courant par l’écriture latine dès le début du XXème siècle.
Il s’agit généralement d’un aide-mémoire destiné aux élèves d’un datu. Après le chef de village le datu est le personnage le plus important dans la société batak traditionnelle. Il est tout à la fois prêtre, astrologue, oracle, devin, sorcier et médecin. On trouve dans ces recueils des formules pour la pratique de rituels magiques, des instructions pour la préparation d’amulettes, des recettes de remèdes, de philtres d’amour ou de poisons, le tout illustré de dessins.
On connaît le pustaha dans le monde occidental depuis 1764, date à laquelle le plus ancien exemplaire connu fut rapporté en Angleterre. Mais ce n’est qu’un siècle plus tard que le contenu en fut étudié systématiquement par Herman Neubronner van der Tuuk (1824-1894), savant remarquable et personnalité étonnante qu’on aura l’occasion d’évoquer à nouveau dans ces pages.
Très tôt, et indépendamment de l’intérêt scientifique, l’attrait esthétique et le caractère énigmatique du pustaha en ont fait un objet de convoitise, ce qui explique que les plus beaux exemplaires appartiennent maintenant à des musées européens ou américains.
Les effets de la colonisation apparaissent ainsi dans toute leur ambiguïté et posent la question, toujours complexe, de la restitution d’œuvres ou d’objets préservés de la destruction par leur présence dans les musées occidentaux aux populations qui les ont créés et souhaitent se réapproprier leur patrimoine culturel.