On raconte, sans preuve véritable, que les ôles (de ôlei, feuille en tamoul) ont servi à noter les premiers textes bouddhiques dès le VIe siècle avant notre ère. Il est certain, en revanche, que les feuilles de nombreuses espèces de palmiers ont fourni pendant deux millénaires un support d’écriture essentiel pour les manuscrits produits en Inde et dans les pas d’Asie du sud-est exposés à l’influence culturelle indienne.
Conformément à un processus qui dure plus d’un mois, les palmes sont coupées, mises à sécher et empilées. Puis on sépare les feuilles, on les fait bouillir dans de l’eau de riz et sécher à plat au soleil. Coupées aux dimensions souhaitées, les feuilles sont ensuite mises en presse et cuites au four. Enfin elles sont percées d’un ou deux trous, selon leur taille, et réunies par un ou deux cordons. Parfois elles peuvent être protégées par des planchettes de bois et les tranches peuvent être laquées de rouge et dorées.
C’est alors que le copiste intervient. Il ponce les ôles avant de graver délicatement, sur leurs deux faces, le texte à l’aide d’un stylet métallique. Après gravure il passe sur les pages un tampon imbibé de noir de fumée. Mais on voit souvent des ôles qui n’ont jamais été encrées. On ne sait s’il faut en déduire à coup sûr qu’elles n’ont pas été lues.
Les dimensions de ces manuscrits sont déterminées par la taille des feuilles utilisées et fluctuent donc selon les variétés de palmiers qui poussent dans les différents pays. Certains ont un format de 25 à 30 centimètres mais on en rencontre de beaucoup plus longs, fabriqués par exemple à partir des feuilles du latanier ( Corypha Lecomtei ) au Cambodge. Les plus grands mesurent jusqu’à 60 centimètres pour une largeur de 5 à 6 centimètres.
- Ôles
- Manuscrits pali
C’est précisément la taille du plus long des trois manuscrits photographiés ici. Tous trois ont été écrits au Cambodge en pāli. Cette langue sacrée et savante est celle de la littérature bouddhique de l’Asie du sud-est. Sans écriture propre, le pāli est noté dans toutes les formes d’écritures des divers pays concernés, ici le mūl, celle des deux écritures cambodgiennes dite la « fondamentale ».
Le grand succès de ce type de support est dû en premier lieu à l’abondance de la matière première trouvée sur place, puisque certains monastères bouddhistes disposaient même de leurs propres plantations. Mais d’autres facteurs encore ont joué un rôle. C’est ainsi que les brahmanes de l’Inde du sud se montraient réticents à l’égard du papier, considéré comme étranger à leur culture puisque fabriqué par les musulmans. Quant au parchemin, il pouvait encore moins servir de support à l’écriture puisque sa fabrication et son utilisation contrevenaient au respect scrupuleux de toute vie animale dans la tradition bouddhique.
Même si de nos jours quelques moines gravent encore des textes sur feuilles de palmier — par nostalgie ou plus vraisemblablement pour répondre à l’intérêt des touristes — on considère que les derniers véritables manuscrits gravés sur ôles l’ont été vers 1950.